Avertissement
Guy Lafargue
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Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas réussi à franchir la barrière de l'édition officielle. Mes travaux solitaires sur l'expérience créatrice et le travail analytique ont peu de chances de réussir l'assomption vers les grandes maisons d'édition. La raison de cette ségrégation tient sans doute à la direction libertaire de mon travail de pensée, au style insolent de certains de mes propos envers la nomenklature intellectuelle qui monopolise le terrain éditorial; au fait sans doute que les collections qui auraient pu m'éditer sont tenues par des idéologues orthodoxes peu enclins au partage. Bref, après avoir été micro éditeur de mes propres ouvrages, j'utilise aujourd'hui le réseau internet avec l'espoir que cette pensée alternative à la psychanalyse encore régnante et aux doctrines instrumentalisantes du comportementalisme qui sévit dans l'arène universitaire trouvera un plus large écho auprèsd des personnes qui aiment à penser librement. Et s'il se trouve de beaux éditeurs tentés par l'aventure je reste à l'écoute.
En ouverture de cet espace de pensée, j'ai plaisir à citer quelques extraits de la préface enthousiaste que le Dr jean BROUSTRA avait écrite pour la première édition de mon livre "DE L'AFFECT À LA REPRÉSENTATION".
Extraits de la préface de Jean Broustra à la 1ère édition de l'ouvrage de Guy Lafargue : "De l'affect à la représentation"
Guy LAFARGUE est un créateur qui a rencontré la psychothérapie et qui continue de créer. L'Art Cru est non seulement dans l'esprit de son inventeur une nuance carnivore par rapport à l'art brut mais aussi comme il le définit lui-même : "une tension dialectique entre le champ de la création et le champ de la psychothérapie".
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Historiquement la trajectoire de Guy LAFARGUE laisse apparaître quelques balises qui permettent une meilleure compréhension de l'œuvre écrite. L'écriture est ici une activité au sens radical qui accompagne les engagements concrets dans le domaine des actes d'expression. Il qualifie lui-même sa démarche en des termes non équivoques : "Effort permanent pour trouver une voie d'action qui me représente vraiment". Loin d'un cursus d'autosatisfaction, ces vingt années d'écriture témoignent d'un effort constant de recherche d'identité, ce dont témoigne une évolution de la pensée, même si certains paramètres apparaissent comme des ancrages intangibles.
Le lecteur découvrira ici deux tempéraments d'écriture :
- L'un qui continue à tirer des bords avec le style universitaire (psychologue, psychosociologue, l'auteur a mis en chantier en 1982 une thèse de doctorat d'état auprès de Pierre FEDIDA), écriture contrôlée, confrontée aux balises culturelles de notre époque (dont la psychanalyse, qui ressemble un peu dans son paysage intellectuel au phare de Cordouan), qui tente de dégager une théorisation originale et qui, à la manière du ressac, bat sans cesse son ouvrage.
- L'autre qui se situe dans la tradition surréaliste de l'écriture automatique, écriture sauvage et crue, en forme parfois d'autoanalyse
Selon son humeur du jour, le lecteur choisira deux immersions possibles : le sérieux sans faille de l'inventeur de théories ou l'allure anarchisante d'un écrivain (entre Céline et San Antonio) qui vous prend au débotté.
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En 1972 s'opère la rencontre avec la Psychiatrie. D'abord à l'Hôpital de Jour Wilson à Bordeaux puis en 1976 à l'Hôpital Charles Perrens où je trouvais là, auprès de Guy LAFARGUE, un collaborateur inventif et capable de soutenir avec opiniâtreté le siège dans les assauts que nous donnions à l'asile. Son article "Zizi dans le métro" donne une description talentueuse de son atelier "Corps et Parole" invention d'un espace polyvalent, polytope d'expression dont il a toujours eu le génie et où il forgea son expérience avec des patients psychiatriques très régressés.
La passion personnelle de notre auteur (rassurez-vous : qu'il partage avec d'autres) vise ce qui serait la meilleure élucidation possible de l'archaïque infantile, c'est-à-dire les traces (posons provisoirement ce terme vague) laissées au profond de nous même par nos premiers investissements, dès le moment où nous sommes biologiquement vivants. Guy LAFARGUE est à l'affût de tout ce qui a suscité des recherches dans cette période nommée "péri natale". Cet intérêt s'appuie évidemment sur l'hypothèse qu'il s'agit d'une zone à haut risque qui serait la matrice, soit de la création (et de ses risques), soit de la maladie mentale
S'il maintient FREUD sur le seuil de son atelier, Guy LAFARGUE appelle à la rescousse quelques psychanalystes pour aider à la compréhension de ses engagements psychothérapiques. Il se réfère volontiers à Madeleine SECHEHAYE, à Harold SEARLES, à Piera AULAGNIER et, bien entendu, à D. WINNICOTT. Pourrait-on penser qu'il a choisi des dissidents ? Oui et non. Il s'agit bien de psychanalystes qui, dans la lignée de FERENCZI, ont choisi de s'intéresser au traitement des patients psychiatriques, tout en conservant l'esprit de la psychanalyse. Il s'ensuit des aménagements importants du cadre (par rapport à la cure type) qui sont rendus nécessaires par l'intolérance de ces patients au dispositif psychanalytique classique. Relançant la piste lancée par FERENCZI du vivant de FREUD (dont témoigne leur correspondance qui n'est pas indemne de coups de tabac), Guy LAFARGUE prône pour l'animateur/thérapeute, une position active. Quiconque connaît la relation avec les malades psychotiques, ne s'étonnera pas outre mesure d'une telle attitude. Seule la clinique doit être notre guide préférentiel. La position active ne veut nullement dire qu'il faille suivre les impulsions du passage à l'acte où le thérapeute bascule dans sa jouissance privée. Dans le texte "Les Promesses du Désordre", le lecteur lira avec profit les trente et une propositions, minimal commun pour se reconnaître dans l'animation d'ateliers d'expression créatrice. Dans la non-directivité, le corps est replacé dans une position référentielle : "Le corps dans sa totalité musculaire, affective, émotionnelle et psychique, est le théâtre de tous les langages susceptibles de naître en lui".
La passion personnelle de l'auteur vise ce qui serait la meilleure élucidation possible de l'archaïque infantile, c'est-à-dire les traces (posons provisoirement ce terme vague) laissées au profond de nous-même par nos premiers investissements, dès le moment où nous sommes biologiquement vivants. Guy LAFARGUE est à l'affût de tout ce qui a suscité des recherches dans cette période nommée "péri natale". Cet intérêt s'appuie évidemment sur l'hypothèse qu'il s'agit d'une zone à haut risque qui serait la matrice, soit de la création (et de ses risques), soit de la maladie mentale.
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L'écrivain, dans les textes ici réunis, donne toute l'énergie de son talent. Dans cet ouvrage-ci, on trouvera des textes en roue libre, mais dont le guidon Mackintosh est tenu de main de maître avec des textes alléchants. Il s'y exprime avec une façon très proche du style de San Antonio, mais, ce qui est exceptionnel, à mon goût, est qu'on y retrouve de très sérieux propos théoriques. Comme si le débat universitaire se poursuivait en langue verte Ces textes prennent à l'estomac, et on a droit à des décharges affectives puissantes, intéressant l'enfance du sujet, ses différentes têtes de turc, quelques propos politiques aussi qui sont, faut-il s'en étonner, dans la pure tradition libertaire car l'auteur n'hésite évidemment pas à cracher des mots nés de l'instant de sa plume.
Je souhaite bon vent à l'heureux lecteur, ou à l'heureuse lectrice qui va commencer la lecture de de cette oeuvre foisonnante dont les promesses sont déjà accomplies. Elle témoigne d'un courage, d'une extrême honnêteté et d'un talent peu communs pour faire résonner par l'écriture, la large partition corporelle de nos langages. C'est une oeuvre de pionnier que son siècle fort heureusement commence à rejoindre et à qui l'auteur, en manière de merci, promet encore de beaux jours dépourvus d'ennui.
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